Erika Salem, agente de programme pour le Conseil SAM, revient d’un voyage d’échange avec la Ville de Nairobi au Kenya. Organisé par Rooftops Canada – Abri International en collaboration avec le Mazingira Institute, elle faisait partie d’une délégation québécoise composée de personnes actives dans les milieux de l’agriculture urbaine, des politiques municipales et des organismes communautaires.
Conseil SAM (CSAM) : Bon retour à Montréal! Pourrais-tu nous parler des grandes lignes de ton voyage au Kenya?
Erika Salem (ES) : Je viens d’avoir le privilège de participer à un échange de deux semaines à Nairobi où j’ai pu apprendre des défis et m’inspirer des réalisations mises en place pour transformer le système alimentaire de cette métropole africaine dynamique, audacieuse et en pleine explosion démographique.

CSAM : Parle nous du système alimentaire à Nairobi, quels sont les enjeux actuels?
ES : Le droit à l’alimentation pour toutes et tous est inscrit dans la nouvelle constitution du Kenya adoptée en 2010. Les actions réalisées par le Mazingira Institute pour former les jeunes à l’agroécologie, en plus d’accompagner la Ville de Nairobi dans l’analyse et la compréhension des enjeux du système alimentaire de la métropole kenyane, sont des socles fondamentaux pour faire respecter ce droit. Un énorme travail demeure si on veut réussir à nourrir sainement les générations actuelles et à venir alors qu’on projette que la population de la métropole doublera au courant des vingt-cinq prochaines années, pour atteindre plus de 10 millions de citoyennes et citoyens.
CSAM : Pourrais-tu nous parler de quelques activités que vous avez faites lors de ce voyage?
ES : La moitié du temps était consacrée à une formation sur l’agroécologie donnée à des jeunes productrices et producteurs de la ville de Nairobi. Il s’agissait d’une formation qui visait non seulement à renforcer leurs compétences en agroécologie, mais aussi les amener à développer leurs projets dans une approche entreprenariale qui leur permettrait de renforcer leurs revenus. Notre participation a cette formation a été proactive : nous avons été invités à présenter des projets inspirants qui structurent le système alimentaire montréalais. Des personnes élues et fonctionnaires ont aussi participé à certaines de ces formations.

En plus de cet aspect plus théorique, nous avons eu l’occasion de faire plusieurs visites : des jardins agroécologiques urbains et péri-urbains, des marchés, des centres de formations techniques avec des programmes en agriculture urbaine. Nous y avons rencontré des personnes spécialisées en production agricole, des personnes ayant mis sur pied des entreprises de distribution, tel que Soko Kijiji, en plus d’avoir des sessions d’échange avec des personnes élues et des fonctionnaires des quatre coins de la ville de Nairobi.
CSAM : Parmi ce que tu as observé lors de ton séjour à Nairobi, quelles sont les principales leçons ou innovations que vous avez observées là-bas et qui pourraient être adaptées ou transposées dans le contexte montréalais ?
ES : Les défis à relever en termes de sécurité alimentaire à Nairobi sont impressionnants, surtout quand on pense aux bidonvilles comme celui de Kibera qui est considéré comme l’un des plus grands bidonville d’Afrique. Les autorités municipales ont de la difficulté à simplement accéder à ces territoires.
Mais de façon plus similaire à chez nous, le territoire de Nairobi est doté de sols très fertiles qui sont à risque de disparaitre sous la pression de l’urbanisation galopante. La Ville de Nairobi, tout comme la Ville de Montréal, doit se mobiliser et agir rapidement pour préserver ces territoires productifs. Le budget alloué pour l’agriculture urbaine reste dérisoire, mais les personnes habitant la ville kenyane se prennent en main et n’ont pas peur de produire eux-mêmes leurs aliments. On rapporte que 20% de ce qui est mangé à Nairobi provient de l’agriculture locale.
La Ville appuie aussi les 16 marchés qui se trouvent sur son territoire. Des initiatives innovantes visent à réduire le gaspillage alimentaire issu de ces marchés, notamment avec la mise en place d’infrastructures de stockage réfrigérées à l’énergie solaire. L’entreposage de denrées qui optimise la durée de vie des aliments est un enjeu névralgique qui touche toutes les villes du monde : on doit plus penser à l’intégration de ces espaces pour renforcer les circuits courts dans les villes et réduire le gaspillage alimentaire.


CSAM : Pourquoi est-ce que ce voyage a été organisé entre Nairobi et le Montréal?
ES : Ce voyage m’a convaincue de la pertinence d’établir des liens de solidarité forts entre les villes. Ces conversations permettent de sortir de notre zone de confort, s’inspirer et se donner mutuellement espoir qu’ensemble nous sommes capables de transformer nos systèmes alimentaires pour vivre dans un monde plus juste et écologiquement viable.







